Il y a deux mois quand nous avons évoqué votre projet de réunion avec Monsieur Chauffert-Yvart, j’ai tout de suite manifesté mon soutien à cette idée.
Bien que n’ayant aucun titre à tirer la quintessence de ce qui a été dit, mon propos sur le rapprochement de vos associations sera un peu la conclusion de la matinée. Le mot “partage” a été beaucoup prononcé je le dirai moi-même tout à l’heure quand il s’agira de dénoncer les erreurs ou d’essayer de préconiser des méthodes de décision. Si vous voulez partager vos expériences, encore faut-il que vous vous soyiez réunis dans un même corps; cela me semble l’une des conditions essentielles et cela n’a toujours pas été ressenti comme une évidence pour des raisons à la fois historiques dues à vos statuts différents, à vos origines différentes, mais aussi en raison peut-être de l’approche que nous avons en France de l’aménagement. Ce que nous comprenons aujourd’hui dans ce terme a été très longtemps segmenté et peut-être encore aujourd’hui, en branches et compétences. Sans d’ailleurs aller plus avant dans cette idée, je ne citerai qu’un exemple: la dénomination du Ministère de l’Equi-
pement au fil des années et des gouvernements.
Je souscris donc à cette fusion et n’en dirai pas plus mais, je veux quand même ajouter que cela ne vous permettra pas d’échapper à un certain nombre de débats internes, celui des systèmes de rémunérations par exemple, celui de l’appel possible, contre vos décisions de toutes sortes.
J’en viens maintenant, n’oubliant pas que je suis maire, à quelques réflexions tout à fait impromptues.
Je vais tout de suite évacuer ce que j’appellerai mon “droit de réponse”. Il y a un grand écrivain, assez méconnu aujourd’hui, médecin et académicien, George Duhamel, qui disait: “Si vous voulez faire dire des bêtises à des gens intelligents, parlez médecine”. J’aurais envie de dire, si vous voulez faire dire des bêtises à certaines personnes intelligentes de la salle, parlez de Saint-Germain-En-Laye. Si l’exemple pris par mon ami, Gérard-François DUMONT, est effectivement un peu provocateur, il apparaît tout à fait exact, et je suis sûr, cher Monsieur, qui avez parlé de Saint-Germain sans rien en connaître que vous ignorez quil y a 25% de HLM dans la ville, mais que mes prédécesseurs, ont eu la bonne idée de les répartir dans la ville au lieu de les regrouper dans un “Val-Fourré”. Est-ce que ça n’est pas précisément une décision de caractère gestionnaire et politique. Puis, un maire a crée une ZUP. Il en a d’ailleurs confié la réalisation à l’un des plus grands architectes français, ce qui ne l’empêche pas d’être l’un des plus mauvais. Cette ZUP connaît exactement les problèmes de Mantes-La-Jolie, à son échelle puisqu’elle est plus petite, mais connaît exactement les mêmes difficultés. Donc, c’est bien de gestion que nous parlons et non pas de comparaison
entre le Val-Fourré et le château de Saint-Germain-En-Lavye, ce qui, évidemment, n’aurait aucun sens. C’est dire l’importance de la décision, c’est dire l’importance pour la suite des choses, du rôle de ceux, le maire en particulier. qui doivent un jour choisir d’aménager leur ville en prenant des décisions d’une grande portée.
On a parlé beaucoup ce matin, et vous en particulier, Monsieur le Préfet, de la réglementation et du partage des compétences. Je voudrais d’abord faire une première observation que je n’ai pas entendue ce matin. Il ne me semble pas que le domaine de l’urbanisme et de l’aménagement soit pauvre en réglementations. J’ai même un peu le sentiment que nous sommes dans l’excès plutôt que dans l’absence. Il n’a pas manqué non plus au cours des décennies précédentes de décisions solennelles de l’Etat, de l’Assemblée, pour prescrire un certain nombre de règles. Aucune n’a été totalement respectée, aucune des règles d’urbanisme n’est jamais totalement respectée. Lorsque le Général de Gaulle a eu envie de visiter la région parisienne comme il avait visité les autres régions de France, le Préfet DOUBLET, m’avait montré la veille de cette visite historique une carte restée dans ma tête: la carte de la région parisienne, le premier calque représentait les partis d’aménagement qui avaient été décidés et le deuxième calque, ce qui avait été effectivement mis en oeuvre les dix années précédentes.
Rien ne coïncidait. Il y a peut-être là motif à réfléchir. À quoi servent les décisions, les législations ou les réglementations, les colloques, si finalement tout cela doit aboutir à un laisser-faire ?
Mes propos paraîtront sans doute un peu polémiques à certains intervenants, mais je crois que le moment n’est plus d’avoir la nostalgie de l’époque où l’Etat décidait tout, le regret de l’époque où, le promoteur et l’’aménageur publics ou privés, décidèrent au nom de leurs intérêts, c’est-à-dire de leur profit. À qui donc peut-il être accordé le droit de décider de
tout. Cher Monsieur, votre discours était ambigu sur ce sujet, et quand je dis ambigu, c’est pour rester poli. C’est l’élu lui-même, qui disposant de l’onction suprême, celle de l’élection, qui dispense du droit de décider. Au passage, jindique que bien naturellement il est nécessaire que les communes se réunissent, s’unissent, que l’intercommunalité soit la règle de l’aménagement -cela me paraît évident. Ce n’est d’ailleurs plus un sujet de débat.
Vous avez tout à l’heure parlé du référendum dont je suis partisan inconditionnel et dont je constate que l’Assemblée Nationale dans laquelle j’ai l’honneur de siéger l’a accueilli avec
une grande défiance. J’ai été très étonné que vous l’ayez assorti d’une réserve en disant: “Oui, mais il faudra faire de la pédagogie”. D’abord, je ne sais pas très bien comment on fera cette pédagogie, ensuite, permettez-moi de vous dire que la négation-même de la démocratie que vous avez aujourd’hui exprimée de cette façon en lui enjoignant un préalable. Il y a d’autres élections ou d’autres référendums aussi importants que ceux portant sur
l’aménagement et je n’ai pas le sentiment que l’on procède de cette façon, sauf à coups de sondage pour former des citoyens. Je ne dis pas que la loi du nombre est forcément la meilleure, mais, en tous cas, si c’est l’erreur du nombre, elle est moins grave que si c’est l’erreur d’un seul. Le référendum suppose, je le reconnais, un certain nombre de précautions. Il faut que le sujet en vaille la peine. Il suppose que la présentation soit objective et c’est sans doute le point le plus difficile à obtenir et qu’on ne fasse pas comme les Directions Départementales de l’Équipement en utilisant la méthode qui consiste, quand elles veulent faire aboutir un projet, à en présenter dix autres tellement repoussoirs que naturellement il n’y a que celui qu’elle à choisi qui peut s’imposer à l’esprit de tout le monde.
Cette objectivité-même de la présentation du référendum me semble être une des conditions difficiles et importantes. Mais cette procédure est un instrument difficile à manier, et coûteux. C’est dire que l’on ne peut pas le généraliser. Seulement entre les décisions de quelques-uns qui auraient l’avantage de posséder la connaissance et le pouvoir accordé au plus grand nombre, ne manque-t-il pas dans notre législation, un système intermédiaire ?
On a à une époque, et j’y ai contribué en consacrant une bonne partie d’un livre, on a beaucoup fustigé avec raison ce qu’on appelait l’urbanisme de dérogation. C’était une méthode détestable, car elle était synonyme soit de corruption, soit de copinage, et elle était toujours opaque. Mais n’y a-t-il pas lieu d’inventer des nouveaux systèmes, par exemple, des audiences publiques, simples, dans lesquelles seront publiquement montrés et connus un certain nombre de projets. Aucune règle ne peut recouvrir, qu’elle le veuille ou non, toutes les situations. Il y a des moments où. je regrette certaines règles que j’ai fait moi-même inscrire dans le POS parce que je sens qu’elles ne sont pas adaptées à telle intention. Il faut pouvoir en changer, mais dans la clarté et la transparence. Ne souriez pas, mais je voudrais emprunter à l’actuel Président de la République une expression que j’approuve totalement: “la force injuste de la loi”. Je comprends ce qu’il a voulu dire en s’exprimant comme cela. Ce n’est pas dans cette enceinte, on ne me le pardonnerait pas, qu’on peut dire que la loi doit être interprétée, utilisé au gré du vent, mais il y a des moments où, effectivement, elle devient injuste. Alors, il faut savoir corriger ces aspérités qui justifient toutes les aberrations dont je parlais tout à l’heure, toutes les exceptions détestables dont nous avons tous été les uns et les autres témoins. Voilà simplement, je le répète, de façon abrupte, ce que m’ont inspiré vos travaux de ce matin.
J’ai passé les dernières 48 heures a dévorer la réédition qui vient de paraître de “L’histoire du vandalisme” de Réaux avec, en particulier, les cinquante dernières années. Le vandalisme n’y est pas considéré simplement comme des destructions, des mutilations, mais dressé comme des ajouts voire des erreurs d’aménagement.
Aujourd’hui, c’est à des décisions partagées qu’il faut faire appel pour essayer d’éviter ces erreurs: que les élus n’abusent pas de leur pouvoir, que les techniciens ou les hommes de l’art n’abusent pas de leurs connaissances et de l’impression qu’ils peuvent faire les uns sur les autres, que l’Etat n’abuse pas de sa possibilité de diriger, de réglementer. Je suis persuadé que c’est le seul moyen que nous ayons d’éviter, un certain nombre d’erreurs. Et c’est pourquoi, en commençant par supprimer un clivage qui semblait un peu saugrenu, vous avez contribué, a permettre que demain nous ayons ces décisions partagées qui, je l’espère, donneront de bons résultats pour notre pays. Je vous remercie.
Michel PERICARD
Député-Maire de Saint-Germain-en-Laye, président de la Commission des affaires culturelles, familiales et sociales de l’Assemblée nationale.